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« Les adventices sont des indicatrices de la santé du sol »

Lionel Jager, agrologue et formateur, fait le diagnostic d'une prairie. Il montre ici une renoncule bulbeuse qui indique « des sols équilibrés si elle n'est pas dominante ; un tassement du sol si elle est très présente ».

Au-delà d’être des indésirables, les adventices offrent un diagnostic du sol. Le tour des « mauvaises herbes » les plus présentes en France avec le formateur Lionel Jager.

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Et si les « mauvaises herbes » étaient utiles ? Lionel Jager, agrologue et formateur, détaillait lors d’une formation récente à la chambre d’agriculture du Gers : « Les plantes sont des messagères. En effet, chaque espèce de plante a son biotope, son écosystème, qui facilite sa levée de dormance. » Il tempère : « Ce n’est pas une plante mais toutes les plantes présentes dans une parcelle qui permettent de diagnostiquer un sol. »

Les panics, sétaires et digitaires (PSD) aiment les sols compactés, hydromorphes, dégradés par un trop-plein de matière organique animale. « Il n’y a plus de vie aérobie. Or c’est elle qui digère la matière organique, aère le sol, nourrit les plantes », résume le formateur. Dans une moindre mesure, même idée pour le chénopode blanc et le trèfle rampant.

Le trèfle rampant (ou trèfle blanc) n'est pas poilu, au contraire du trèfle pratense (ou trèfle des prés ou trèfle violet). (©  Christophe Zoïa/GFA)

Pour l’ambroisie, la « bio-indication » est à peu similaire : « surexploitation du sol, compactage, disparition de la vie aérobie », énumère Lionel Jager. Le liseron est lui aussi synonyme de tassement du sol. Il peut également mettre en lumière du surpâturage, un labour trop profond ou répétitif.

Dans ces cas-là, l’expert conseille généralement de « ramener de la matière organique dans les sols », car « quand on exploite un sol, il faut lui rendre ce qu’on lui a pris. On doit payer sa dette ». En fonction des analyses de sol, l’agrologue incite à apporter des matières compostées au C/N de 15 à 30 au printemps, ou plus ligneuses à l’automne. L’enjeu peut également être de « ramener du carbone avec des couverts végétaux ou des cultures comme le chanvre ».

Il ajoute qu’il est important de mesurer le rapport calcium/magnésium (Ca/Mg). « En général, il est à l’idéal de 68/12. Le magnésium étant cohésif du sol et le calcium aérateur du sol, tout déséquilibre en faveur de l’un ou de l’autre tendra à chasser l’air du sol, ou à son incapacité à stocker l’eau, entre autres problèmes. »

Les plantes de l’excès d’azote

Quant aux chardons et rumex, ils « sont souvent présents chez les éleveurs qui font du surpâturage, qui surtravaillent le sol de leurs prairies temporaires, en y apportant trop d’azote ». Le formateur rappelle en effet que « l’excès d’azote est indirectement destructeur du carbone du sol. Il est l’ennemi des champignons, qui créent l’humus ». L’excès d’azote peut également faire apparaître le ray-grass anglais. Là, Lionel Jager pousse à ne pas épandre de manière automatique, à implanter des couverts végétaux multi-espèces, et à stopper l’épandage de matière organique fraîche.

Le rumex (ici, crépu) présente des tiges fortes, des feuilles vertes sans poils. (©  Christophe Zoïa/GFA)

Le datura est « la plante des produits de synthèse ». Il peut être une « plante de pollution » qui, comme la renouée du Japon, la tanaisie ou le séneçon du cap, montre la présence d’arsenic. Les renouées révèlent de manière générale les métaux lourds, la lampourde l’excès de produits phytosanitaires, les rumex l’aluminium…

Citons enfin la picride fausse vipérine, « qui s’observe de plus en plus ». « C’est la plante des remontées de pH, sur des sols qui ont pris des chocs thermiques », indique le spécialiste.

La picride fausse vipérine se reconnaît grâce à ses feuilles allongées et arrondies, à petites pustules. Elle fait plusieurs fleurs jaunes, proches du pissenlit. (©  Lionel Jager)

« Bien sûr, conclut le formateur, il y a l’idéal et la réalité. On fait ce qu’on peut. Mais la présence de plante bio-indicatrices doit nous permettre de réfléchir sur nos pratiques. »

Informations sur Lionel Jager : https://pepiniere-bonnes-herbes.com.

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